ORIGIN STORY-Black Cat ILY

Chaque design, chaque ministrip, chaque illustration que je crée a un sens pour moi, une raison d’être, une histoire. Dans les Origin Stories, je vous embarque dans les pourquoi des comment de mes créations.

D’un gribouillis à un concept

Ce chat a aussi toute une histoire. Il est né alors qu’un vendredi 13 approchait. Chaque année, les publicitaires et commerçants utilisent les mêmes lieux communs pour vendre leurs produits. Chat noir et échelles sont vidés de leur substance à force d’hyper-usage.

(je me souviens d’un extrait de publicité où un homme se défend et défend son chat en disant très nerveusement « il est pas noir il est gris anthracite ! ». Si quelqu’un a la réf’, je suis preneuse ! Moi j’ai juste découvert ceci en cherchant autre chose. C’est mignon. Et, même si c’est une publicité, notez qu’on y utilise bel et bien le symbole d’un chaton noir pour justifier qu’il soit le dernier à être adopté…. mais aussi qu’il soit extraordinaire.)D’ailleurs, d’où nous vient cette superstition occidentale du vendredi 13 ? Car dans d’autres pays et d’autres cultures, le vendredi 13 ne porte aucune signification particulière, quand il n’est pas carrément de bon augure. On pourrait retracer cette croyance à la crucifixion du Christ, qui aurait eu lieu un vendredi, ainsi qu’à son dernier repas. Avec ses douze apôtres, ça nous fait treize convives, dont Judas, considéré comme le treizième, le traître.

Le nombre 12 est donc aussi chargé d’un certain mysticisme. Douze mois dans l’année, douze apôtres, douze dieux de l’Olympe, douze travaux d’Hercule, douze heures de jour et douze heures de nuit pour faire un jour, les douze tribus d’Israël ou encore les douze signes du zodiaque*. Le treize vient rompre cette perfection du douze et est mal vu.

Ça, c’était pour le vendredi treize. Mais pourquoi parle-t-on de chat noir comme d’un mauvais présage ?

*on a récemment émis l’hypothèse qu’il y aurait en fait treize signes zodiacaux et que le Serpentaire se serait fait jarter par les anciens, parce que douze, c’était plus joli.

Aimé, vénéré, désaimé, malaimé, adoré…

Le chat a une histoire riche et complexe. Lorsque l’homme s’est lancé dans l’agriculture, le chat a appris à nous tolérer et nous suivre pour profiter des rongeurs attirés par nos récoltes. On en a fait un allié et une divinité dans de nombreuses cultures. L’exemple qui me vient en tête est bien sûr celui de Bastet, Sekhmet et Mafdet en Égypte, mais ça marche aussi avec Nergal (Babylone), Dawon (hindouisme), Kasha (Japon), Mishipeshu (Ojibwa) et sans doute une flopée d’autres que je n’ai pas identifiées lors de ma recherche très succincte.

En Europe médiévale par contre, ça devient moins fun d’être un matou. Les croyances qui l’entourent sont assez contradictoires : ils ont la réputation de chasser les rongeurs mais également de répandre des maladies. Ils sont accusés de répandre des maladies mais utilisés pour en guérir d’autres. Ils sont accusés d’être les suppôts du diable mais on les utilise dans les couvents et les monastères pour se protéger, encore une fois, des rongeurs. Serpent, queue.

Alors que les rites païens reprennent du poil de la bête vers le milieu du quatorzième siècle, le chat tombe en disgrâce, surtout s’il est noir. Il est associé au diable, aux sorcières, aux femmes, à la paresse ou encore à la malchance et la sournoiserie.

Chats noirs et personnes – surtout des femmes – accusées de sorcellerie sont victimes d’une puissante discrimination pendant l’inquisition. On les chasse, les accuse de tous les maux, leur ôte le droit de se défendre et on les zigouille à tout va. De ces reproches irrationnels, ces superstitions, des milliers de personnes – surtout des femmes – et de chats seront les victimes. Et ne croyez pas que ces pratiques se soient dissipées avec le temps. On chasse encore les « sorcier·ère·s » (adultes, mais aussi enfants) aujourd’hui, notamment en Afrique sub-saharienne, en Asie du Sud et Centrale, ou encore en Papouasie-Nouvelle-Guinée. On a encore un long chemin à parcourir pour se libérer de telles croyances, qui semblent extra-ordinaires dans le cas de la chasse aux sorcières et leurs chats, mais en vérité totalement banalisées.

Débardeur Adopt Don't Shop by Pika IllustrationTout ça pour nous ramener délicatement vers notre petit chat noir, plus souvent maltraité, abandonné et dernier à être adopté dans une portée ou dans un refuge. Parce que le hasard et la génétique ont voulu que les mélanines de ses parents se mélangent pour lui fournir une fourrure couleur de nuit, nous, humains pathétiques ayant le besoin compulsif de donner un sens à tout et une importance à rien, avons donc associé ce pelage à la négativité, au satanisme, la malchance, bref, le meilleur du monde.

Rock’N’Roll mon Pote

Je comprends mieux pourquoi, me direz-vous, tu as dessiné un chat noir pour le vendredi 13. Mais pourquoi fait-il le geste « rock’n’roll » avec sa papatte ?

Hé bien, ce n’est pas le geste « rock’n’roll ». Ce signe-là, il n’a que deux doigts levés, l’auriculaire et l’index. Ce n’est pas du tout venu du monde musical mais c’est dans ce domaine qu’il a été popularisé, notamment par le second chanteur de Black Sabbath, Ronnie James Dio. Sa grand-mère sicilienne utilisait fréquemment ce signe de la main, la corna, pour chasser le mauvais œil.

Autrement dit, dans certaines cultures, c’est un geste de protection ou porte-bonheur, comme croiser les doigts ou toucher du bois. On le retrouve d’ailleurs sur des représentations bouddhistes, notamment la plus grande statue du monde, Guru Padmasambhava, à Namchi, en Inde.

Pour d’autres, c’est plutôt une façon de signaler à quelqu’un qu’il ou elle est cocu·e ou de l’insulter. Un lien qui se serait créé dans l’Antiquité car le Minotaure, être cornu, serait né d’une relation adultère entre la reine de Crète et le Taureau Crétois, créature fantastique. Les sujets du roi trompé, Minos, se seraient alors servi de ce signe de la main pour lui rappeler la trahison de son épouse. (sympa)

Mais alors, il raconte quoi, ton petit chat ?

Je disais donc que ce n’était pas le signe du rock’n’roll ni la corna traditionnelle. Mais qu’est-ce donc ? Pour éviter la confusion avec la corna, j’ai rajouté le texte sur une version ultérieure : « This spells ILY » se traduit littéralement par « Ceci épelle ILY ». Et ILY, c’est l’acronyme de I Love You. Devinez quels signes sont utilisés, en langue des signes US, pour les lettres i, l et y ? Voici :

Si j’ai dessiné mon petit chat noir faisant ce signe de la patte, c’est pour plusieurs raisons qu’il est plus facile de comprendre que rapide d’expliquer. Chat noir associé à la malchance, à la sorcellerie et au diable, maltraité et mal aimé, c’est un beau contre-pied de lui faire épeler JE T’AIME. Et ce geste de la patte, confondu avec son cousin à l’interprétation plus nuancée, voire controversée, invite à la réflexion sur nos croyances et nos superstitions.

Last but not least

Si Les plus anglophones d’entre vous apprécieront le petit jeu de mots que crée l’utilisation du verbe « spell », qui signifie bien « épeler » mais également « sort », comme dans sortilège, comme dans magie, comme dans sorcière. On pourrait donc carrément interpréter ce dessin par « un petit chat noir aux yeux verts vous envoie un sortilège d’amour en ce vendredi 13 ».

Und voilà !

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